Abstrait versus figuratif ?
Hier, j'avais déjà donné quelques coups de pinceaux, (installé les plans, étudié les proportions, etc. tracé une esquisse), quand une autre élève m'a demandé si j'allais faire un abstrait ou un figuratif.
Je l'ai regardée un peu de travers parce que je trouve qu'on est là pour apprendre et donc, je pense qu'on doit nécessairement se colleter avec des sujets concrets, natures mortes ou bouts d'atelier, ou n'importe quoi, même le plus bête pot des bêtes pots, (Spilliaert ne faisait pas autre chose, je n'en démordrai jamais ;-) avant de penser abstrait ou figuratif. Je dirais même, Spilliaert dessinait ou peignait sa table de nuit, avec quelques fioles dessus, (ou un simple saladier en faïence), et il atteignait à l'universel. C'est ça que j'appelle l'art. (J'ai eu un ami -avec qui j'avais beaucoup d'affinités sur ce (seul) plan artistique- qui m'a dit quelque chose de cet ordre-là, à propos de Bruegel l'Ancien et du Païottenland).
A la rigueur, on peut se lancer dans l'abstrait comme exercice, au bout d'un certain temps. Le prof m'avait fait faire ça l'an dernier. Au bout de plusieurs esquisses sur papier A4 et trois grands formats au moins, il m'avait suggéré d'aller vers l'abstraction. Pour dire que l'abstraction ne naît pas d'une fantaisie de l'artiste, mais est l'aboutissement d'un cheminement. Il y en a qui sont d'ailleurs "abstraits" jusque dans la figuration même. Ou symbolistes. Dans ce cas, quand il m'est arrivé d'écrire sur certaines oeuvres d'artistes figuratifs, j'employais plus volontiers le terme de "formes stylisées".
Mais là, elle me présentait l'abstrait comme une solution de remplacement au cas où le figuratif ne me plairait pas (ou pire, serait raté). Je n'ai rien répondu, je suis restée évasive. Mais ce genre de commentaire me désespère. (Je manque d'humour quand on parle de l'art, ou alors, je suis féroce...) Et je me suis obstinée à peindre ce que j'avais décidé de peindre, en éliminant certaines choses qui ne pourraient apparaître dans la peinture sans la rendre "oeuvre rikiki à mettre dans un salon rustique au-dessus de la cheminée". (Mes cops profs de peinture ou de dessin parlaient toujours, d'un air entendu, de l'anecdotique en peinture).
Bon, je sais que je devrais "prendre" tout ça avec plus de légèreté, me dire que peindre joliment des choses décoratives, est tout aussi légitime, mais ce n'est pas ça que je recherche. Pas ça du tout... (Même si je suis très contente de mettre certains de mes travaux au mur - ce que je ne peux pas faire avec un poème, hélas). Ce qui me fait penser à ce moment où, après avoir atterri dans mon logement précédent, sans meubles ni rien, ma mère m'a donné deux ou trois de ses dessins à mettre aux murs, "puisque" m'a-t-elle dit... "tu n'as plus rien comme portraits ni peintures..."
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Je suis en train de lire "Une vie" de Maupassant. Un des bouquins que j'ai promis de lire pour venir en aide à mon fils. J'aime beaucoup Maupassant, qui est un des rares romanciers du XIXème que je n'avais jamais lu. Les deux premiers contes que j'ai lus de lui, étaient deux contes qui se passaient dans le milieu de la marine, à Boulogne-sur-Mer. Et qui ont été réédités par un éditeur boulonnais, Christian Navarro (j'avais acheté deux ou trois petits bouquins brochés dans une librairie-journaux, à Wimereux). Après, j'ai emprunté les "Contes" à la bibliothèque et j'en ai lu pas mal - mais pas tous. Puis, "Bel-Ami" (que je devrais emprunter à nouveau pour le terminer). Et enfin, "Une vie". Pourquoi je parle de "Une vie" ? Parce que chez cet écrivain, je trouve des descriptions assez classiques dans la forme, mais pas lourdes, ni conventionnelles. Chez Flaubert par contre, les descriptions et évocations peuvent être du grand art. Ado, pendant le cours de français, je feuilletais mon L&M et je relisais toujours le même passage de Mme Bovary... Un dîner dans un château.
En littérature comme en peinture, il faut arriver à rendre une atmosphère sans lourdeur. Sans fioritures. Le style doit claquer sec ou couler tendre. C'est une synthèse (non un procès-verbal...) Avec des dimensions poétiques ou plutôt narratives ou réalistes ou... Là, on a affaire au style plus personnel de l'auteur. mais si je commence à disserter là-dessus, j'en ai pour toute la nuit. Et la peinture est aussi une synthèse, ce n'est pas une photographie.
Bien que la photographie soit déjà elle-même une interprétation de quelque chose que le photographe - et le photographe seul - a vu et pu saisir...