Des amitiés amoureuses...
On en parle, on en parle, Valclair a déjà écrit plusieurs fois à ce sujet... Cela vaut vraiment la peine de lire une "entrée" de Valclair. Et les commentaires qui lui font suite. Je dirais même que c'est le genre d'article que j'attends avec impatience et que je lis et relis avec délectation. Pierre en parle également, (avec ses fines petites remarques en tout petits caractères...) dans son carnet, Alter & Ego.
J'ai toujours beaucoup de mal en ce qui concerne l'amitié amoureuse. Moi qui adore l'ambivalence, et qui me sens incapable de choisir entre la chèvre et le chou, moi qui ne me satisfais d'aucune catégorisation, je me sens en même temps épouvantablement concrète. Des fois, j'ai l'impression de simplifier à l'extrême, jusqu'au dichotomique presque. (Enfin, j'exagère peut-être). Pour moi, c'est simple, il y a l'amitié. (Et il y a des nuances, dans l'amitié). Et il y a l'amour. (Et bien sûr, des amours de caractère différent, là aussi, je nuance).
Dans ma vie, il y a eu des amitiés amoureuses. (Pour continuer mon article, j'ai besoin de m'appuyer sur une expérience personnelle).
Il y a eu une amitié amoureuse au moins, avec attirance au départ (s'appuyant sur de probables affinités, une communauté de ressentis, des centres d'intérêt, voire, une passion commune), dont la dimension amoureuse s'est atténuée avec le temps, dont le jeu de séduction mutuelle (au sens de "amener à soi") a disparu au bout de quelques mois. Je parle pour moi, j'ignore absolument ce qu'il ressentait, et il ne m'en a jamais parlé. Tout ce que je peux dire, c'est qu'il devait apprécier cette relation amicale teintée de merveilleux, puisqu'il lui a toujours réservé une certaine place dans sa vie. J'ai même l'intime conviction, aussi vrai que je ne me prénomme pas Pivoine, que ce que j'éprouvais a été entièrement réciproque.
Cela s'est trouvé remplacé par une amitié, une affection toute simple. Qui a perduré longtemps (même avec des silences de six mois à un an, si pas plus), jusqu'à la mort de cet ami. C'est vrai aussi que sa maladie d'abord, puis sa mort, ont laissé un vide inouï dans ma vie, et que je l'ai pleuré longtemps (même si j'avais l'impression de pleurer surtout sur moi). Mais après tout, pourquoi pas? Tant qu'il était en vie, ce que j'avais vécu, grâce à lui, était en vie. Quand il est mort, ce que j'avais vécu est mort avec lui, et il ne reste que le souvenir. Et je reste relativement incapable de lui consacrer quelques mots... Il est vrai que je redoute surtout de confronter mon histoire personnelle - avec ce qu'elle a de sacré, d'intime - aux regards d'autrui, d'autres personnes qui l'ont connu de très près, et parmi elles, des personnes qui l'ont aimé. En résumé, c'est un trésor intérieur et pour une fois, je ne veux pas le disperser à tout vent...
Donc, pour moi, amitié (sûrement) et amitié amoureuse égalent relation sans partage physique. Amitié sans partage physique = amitié. Amitié amoureuse = on est tenté. Et quand il y a attirance amoureuse, cela devient périlleux. De toute façon, en ce qui me concerne, à partir du moment où il y a un désir et à fortiori, un échange physique, c'est périlleux. Le genre de truc que je peux pas gérer, en somme... Parce que ou bien je suis amoureuse et ce n'est pas réciproque... Ou bien l'autre est amoureux et pas moi, et donc, ça me trouble (au point de me rendre malade physiquement)... Ou bien ça reste une aventure et l'amitié disparaît. Bref. A partir du moment où il y a partage physique, l'attirance amoureuse domine, c'est clair. (Toujours mon esprit net et un peu tranchant...) Même si l'on sait qu'il n'y aura rien de plus. Je veux dire, que le type de relation ne pourra pas évoluer vers autre chose (une vie commune par exemple). Le coeur et l'esprit se plient à une contrainte, mais je crois que l'esprit se contraint mieux que le coeur et les tripes. Avez-vous déjà essayé de contraindre vos tripes à ne pas ressentir quelque chose de puissant? Si vous en êtes capable, félicitations. Moi, je n'y arrive pas... Quoique, avec l'expérience, je peux y arriver. Mais il y aura toujours un combat, plus ou moins long, à l'issue duquel l'un ou l'autre capitulera: l'esprit ou les tripes.
Que dire alors d'une amitié, qui commence comme une amitié, et qui, subitement, s'emballe, où l'on éprouve un sentiment fort, passionné - dans ces cas-là, je parle d'amitié passionnelle - mais où l'on sait pertinemment qu'il n'y aura jamais rien de physique (on ne le désire pas d'ailleurs). J'ai vécu une amitié de ce type-là aussi, et nous avons cumulé des moments malheureux ou regrettables, juste avant la fin. Je suis sûre que deux épreuves, au moins, ont contribué à mettre à mal cette amitié. (Enfin, c'est moi qui parle ainsi... Je ne sais pas ce qu'en dirait l'autre personne). Et puis, il y a eu du fusionnel (d'autant que nous échangions beaucoup au moyen de cette passion commune, l'écriture), une amitié basée sur la parole aussi, sur l'échange, et pourtant, un moment donné, tout a capoté. Dans un moment particulièrement difficile pour moi. Mais là, je m'éloigne de l'amitié amoureuse selon mes critères, car, à mon sens, le sentiment d'amitié comme l'amour, ne meurt jamais. Et c'est idiot ce que j'écris. J'ai pourtant l'impression de ne pouvoir mettre de fin à mes sentiments (sauf la haine, car ce n'est pas vivable, donc, là, je travaille à y mettre fin). Je peux écrire une fin en-dessous d'une relation, oui, et alors, je décline toute la gamme du désespoir, du manque, puis du long travail vers l'oubli... Bref, du deuil, au bout duquel il reste une cicatrice autour de laquelle on rebâtit sa vie - que ce soit une vie, une vie amoureuse ou une vie amicale...
Quant aux amitiés (amoureuses) virtuelles - j'aime autant quand on passe à la réalité. Cela permet de réorganiser l'approche de la personne. Certains emballements virtuels - comme on en connaît, au début qu'on pratique l'internet - ont du charme, certes. Et un charme puissant. Mais ça reste virtuel - deux fantasmagories qui se reconnaissent, et s'adoptent - deux esprits, deux intellects, deux intelligences se parlent, - et donc, la confrontation à la réalité vient étayer le phénomène ou le fait basculer. Mais décidément, rien ne vaut la réalité. Parfois, je me demande si cela ne complique pas aussi nos vies. Tant qu'internet et les portables n'existaient pas, les ruptures étaient plus claires, plus physiques, plus définitives. Avec Internet et les mails, les sms, certaines ruptures n'en finissent pas de finir. Et ce n'est pas vivable.
Toute la gamme des sentiments est certes possible, entre une liaison paisible d'une part, (parlera-t-on alors d'amitié amoureuse?) et une amitié passionnée de l'autre (passionnelle comme l'amour, mais platonique, serait-ce aussi de l'amitié amoureuse?) Et qu'est-ce qui fait la différence ? Puisque normalement, on imagine que c'est l'amour qui sera passionné, et l'amitié, paisible...
Et autre chose, qui me reste mystérieux. Prenons deux personnes libres - libres dans leur vie. Qui éprouvent un sentiment l'une pour l'autre. Peut-être pas équilibré le sentiment (plus d'un côté, moins de l'autre? Ou autrement?) Ne vaut-il pas mieux préserver l'amitié - et donc la construction-reconstruction permanente de la relation, plutôt que de tout faire sauter? Mais cela ne tient pas non plus, ce que j'écris là.
Sinon, il n'y aurait jamais de divorce.
Pour qu'on puisse parler d'amitié amoureuse, d'amitié tout court, d'amour aussi tout court, je crois qu'il faut qu'il y ait réciprocité - et surtout - équilibre dans les sentiments, les attentes, les envies. Et la parole doit être là, je pense, pour que chacun puisse vérifier qu'il est toujours en phase avec cet équilibre, et se le dire. Bref, qu'il n'y a pas une des deux parties qui est partie ailleurs, plus loin, ou qui s'enfonce plus profondément... Ou qui reste en rade.
Mmmh, ai-je convenablement disserté, Docteur? Je n'en sais trop rien.
Car j'ai l'impression de ne pas avoir abordé non plus ces amitiés qui, miraculeusement, se construisent et se solidifient -parfois- quand une relation d'amour est terminée. Ce n'est plus de l'amour et c'est plus que de l'amitié - car il y a une connivence tellement forte - peut-on dès lors parler de fraternité? Ou de sororité? Tout ce que je sais, c'est que, dans ce cas-là, l'autre fait désormais partie de la famille.
Une chose est sûre, c'est que les sentiments tièdes et moi, ça fait deux. Et pourtant, la tiédeur est rudement plus facile à vivre que la passion... Mais hélas, quand mes sentiments sont tièdes, souvent, (pas toujours), ils ressemblent à un électro-encéphalogramme plat.
Et ça, c'est un vrai problème, parce que je déteste tout ce qui est plat... Même cette conclusion, qui l'est terriblement, je trouve, plate et archi-plate.