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Mes carnets
8 novembre 2006

Moments de peinture

Cet homme de tous les jours se métamorphosait complètement dans l'acte de peinture.

***

Il n'y a que lorsque X*** a peint ses deux derniers tableaux que j'ai vraiment eu peur. Quand j'ai vu son dernier tableau en cours, une peur indicible m'a étreinte. Il en émanait une violence éclatée, profonde, inquiétante, baignant dans une sorte de folie. Je me suis sentie menacée, et je suis partie...

Peindre ne s'improvisait pas, comme ça, au milieu de la vie quotidienne.

Il fallait préparer le matériel, déplacer les meubles, amener le chevalet sous la lumière, ceindre un tablier, remplir un seau d'eau. Il peignait à l'acrylique, regardait longtemps la toile (c'était toujours des tableaux d'1m sur 80 cm). Lui qui était si désordonné, était extrêmement méticuleux avec son matériel de peinture. Presque maniaque, même.

Je m'installais sur un tabouret, près de lui, et durant tout ce temps de travail, je l'observais. Il m'expliquait les ombres, les lumières, la composition, les couleurs, les glacis - l'art du glacis, surtout, me fascinait.

Mais ce qui m'a le plus frappée, c'est son regard. Lui qui avait plutôt une physionomie douce et distraite (et la distraction a fini par prendre le pas sur la douceur...), soudain, il devenait tendu, immobile, seuls, les yeux, fulgurants, vivaient dans son visage, même s'il parlait (mais il parlait peu, dans ces moments-là, alors qu'il était plutôt loquace). C'était fascinant de le voir peindre. Je restais des heures, assise, à regarder l'évolution de ses toiles, et des heures encore, en sa présence ou en son absence, à étudier les moindres détails de l'oeuvre, et comment les glacis tranchaient, lumineusement, sur les différents fonds.

Ma fascination pour la peinture est plus ancienne encore. Quand j'étais adolescente, déjà, et qu'il m'arrivait de traverser un des ateliers de peinture, à l'Ecole des Arts d'Ixelles, sous les combles, l'odeur me fascinait. L'odeur d'huile de lin, de toile cérusée! C'est une de mes odeurs préférées, que je respire encore à pleins poumons, en fermant les yeux, dès que j'entre dans un atelier.

Sans doute était-ce la mémoire de l'odeur qui flottait encore un peu dans les galeries de peinture qu'on visitait, le dimanche après-midi, quand j'étais gosse, et qu'on allait se promener au bois de la Cambre, peut-être... Je ne sais pas. Mais cela me paraissait tellement loin, inaccessible, hors de ma portée.

"Il" a également pratiqué l'autoportrait. Je n'ai regardé cette peinture-là qu'une seule fois, à Gand, un après-midi. Le fond était sombre, les vêtements noirs, les yeux foncés, les cheveux noirs, seul, le teint du visage était bistre, et le regard immobile, inquiet, tourmenté est resté profondément ancré dans ma mémoire.
Et pourtant, quand on peint, ce n'est pas vraiment ce regard-là que l'on a.
C'est un regard de concentration intense, et pas du tout le regard pensif, heureux ou mélancolique que l'on a au naturel...

Peinture et autoportrait :

Deux autoportraits de Pierre BONNARD :

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(avant-dernier autoportrait)

Avec la couleur, encore, mais Versus AMERICA :

Edward HOPPER.


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Plus ancien :
REMBRANDT, "Portraits de l'auteur par lui-même"

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El Greco, portraitiste de génie,
Domenikos Theotokopoulos
(Crète, Candie, 1541- Espagne, 7 avril 1614)
(un de mes peintres préférés)

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Léon SPILLIAERT et le jeu des miroirs...

Je ne pourrais donner aucune explication sur le "pourquoi" de ces peintures, ni aucune interprétation valable.  Je fais une piètre historienne d'art, au sens "psy" du terme. Je me borne à regarder. Et à essayer de voir.

Je sais que le peintre, pour lui-même, constitue un sujet d'étude intéressant.
Et puis, il n'est pas régi, non plus, comme le portrait sur commande, par l'obligation de flatter un modèle ou de faire plaisir à un autre ami peintre.

Mais en l'absence de modèle, par exemple, l'autoportrait permet aussi de mesurer, après coup, une évolution dans la peinture et dans la vision des sujets peints.

Ce qui me paraît bien plus important, c'est, la composition, le jeu de l'ombre et de la lumière, (en cela, il se rattache à l'art du portrait selon Le Greco et Rembrandt), et le fait que le sujet soit décentré, plutôt dans le bas du tableau...

Spilliaert joue certainement aussi sur la perspective, puisque je vois au moins deux points de fuite (hors et dans le miroir, depuis le haut, puis depuis le bas du miroir, jusqu'au visage. Cela finit par former un X, mais bien plus ouvert dans la partie gauche de la peinture. Dans le deuxième tableau, par contre, il se place à l'avant-plan d'une de ses perspectives, on pourrait presque dessiner des homothéties (la seule chose que j'aie jamais su faire, en géométrie...) dans le tableau.

(Malheureusement, je ne dispose pas des outils de Monsieur KA, qui me permettraient de tracer des schémas et de sérier les espaces du tableau ;o)

s_f_autoportrait_miroir

hb_1980

Et puis, comment pourrais-je oublier Frida Kahlo?
L'impératrice de l'autoportrait?
Un des rares sujets qu'elle ait pu traiter, alors qu'elle était alitée, ou en chaise roulante,
après ses multiples opérations...

kahlo46_jpg

Effectivement, je dois reconnaître que les peintres ne se gâtent pas beaucoup,
Quand ils font leur autoportrait...
Ici, Egon SCHIELE.
Mais peut-on trouver une toile d'Egon Schiele qui soit une oeuvrette
à mettre comme motif décoratif bon enfant,
au-dessus de la cheminée de son salon,
(ou du dressoir de la salle à manger)

SchieleAutoportrait1

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Commentaires
A
A l'exposition de Spillaert il y a une salle consacrée à ses autoportraits, tous plus sombre les uns que les autres.<br /> Des regards profonds et inquiétants qui donnent l’impression d’être entouré de vampires, impressionnant.
N
Je n'ai pas vu cette expo-ci, mais j'ai déjà vu de nombreuses fois les oeuvres de Spilliaert. A chaque fois, autant j'avais aimé ses peintures des années 1900-1910, autant celles des années 20 et surtout 30 me semblaient bien pauvres, gentillettes, fades, en comparaison... Je ne sais pas si cela arrive souvent chez les peintres, la progression, l'apogée, puis le déclin et l'affadissement.
B
La peinture c'est un peu comme la photo. On travaille avec des ombres et des lumières mais c'est plus rapide:juste un click !<br /> Bizzz
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