Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Mes carnets
23 février 2008

Un souvenir inviolé...

"Et que devient l'amour envers ceux que l'on a aimés et qui ne sont plus là?" - Tel est le titre qu'Alain X a donné à un de ses articles, dans son blog,  "J'en rêve encore", où il prolonge ce qu'il a écrit en commentaire sous mon article "qu'est-ce que l'amour?

Dans le cas où la personne est morte, ce pourrait être ceci: un amour de mémoire. Un jour, j'aurais rencontré quelqu'un, qui m'aurait rencontrée aussi. Peut-être par un hasard de circonstances anodin, ou quelconque, -par exemple, un paquet de tabac vide jeté dans une poubelle avec la décision de ne plus y toucher. Tout d'un coup, nous aurions été amenés à nous regarder mutuellement, à nous parler, à nous apprécier. Un peu comme ça, par défi personnel ou par jeu, je lui aurais donné un texte à lire en lui demandant ce qu'il en pensait. Je n'aurais de toute façon jamais pris au sérieux ce que j'écrivais. Il l'aurait mis dans sa poche et, quelques jours après, il me l'aurait rendu, annoté au crayon et très sérieusement, m'en aurait parlé. Ainsi, pendant tout un trimestre, aurions-nous goûté à la fois au plaisir de conversations profondes, sur l'art, la poésie, sur la littérature française, sur l'actualité littéraire, (Marguerite Yourcenar venait de rentrer à l'Académie, et nous avons échangé pas mal d'impressions passionnées et d'articles passionnants), sur tout et sur rien, et à des échanges sans fin sur "cette chose sans nom, cette vaste espérance..." La poésie.

Récemment, j'ai passé une paire d'heures à bavarder avec un ami qui l'a bien connu, dans des circonstances à peu près analogues aux miennes, mais quinze ou vingt ans plus tôt. Il y a de curieuses similitudes, entre lui et moi. Sans nous être concertés, nous sommes allés, chacun de notre côté, là où L. D. est enterré. Pas plus que moi, il n'a retrouvé sa tombe. "Tant pis", m'étais-je dit à l'époque... J'irais bien un jour chez l'employé de la commune affecté au cimetière, pour demander l'emplacement exact de la tombe. J'étais dans le cimetière où il est enterré, c'est déjà quelque chose. Le plus près possible de ce qui reste de lui.

Sous son influence, lui comme moi, avons écrit de la poésie. Et lui comme moi, avons commencé à publier quelques textes, (oh, sans grand fracas), dans des revues de poésie belge, à diffusion plutôt confidentielle.

Assez curieusement, quand nous nous sommes liés d'amitié, L. D. et moi, je n'ai jamais douté -non, vraiment, jamais- que nous pourrions cesser un jour de nous voir, ou de nous parler. Et nous n'avons jamais cessé de nous parler. Pourtant, je suis restée parfois très longtemps sans donner de nouvelles (et vice versa): la vie nous accaparait, chacun de son côté. Mais un jour, je téléphonais, ou il m'envoyait l'annonce de parution d'un nouveau recueil. Alors, j'allais à l'AEB (Association des Ecrivains belges), on allait boire un verre, on papotait, il me parlait de la poésie belge, de ses bonheurs, de ses enthousiasmes, de ses déceptions.

Et puis un jour, il est tombé malade. Il s'est enfoncé dans la maladie et à la demande expresse de sa famille, je lui ai consacré pas mal d'heures de mon temps. (Ce n'était pas toujours drôle d'ailleurs). Jusqu'à ce qu'un jour (un nouveau boulot me requérant entièrement), je n'y aille plus. Hélas... Aller le visiter, sortir avec lui, faire une balade d'une heure ou deux, boire un café avec lui, m'assurer que tout allait bien quand je partais, telle était ma mission.

Dès ce moment, de façon assez imprévue, j'ai eu davantage de contacts amicaux avec son épouse. Je me suis même confiée à elle, parce que je traversais une période apparemment pleine de menaces. Et qu'elle l'avait deviné. Comment s'y est-elle prise? Je ne sais plus. Mais avec beaucoup de douceur, de doigté, de sagesse, (une sagesse dictée par l'expérience), elle m'a montré que, passé la période dangereuse que je vivais, je pourrais "tout perdre".  Ses paroles ont fait leur chemin, et quand je me suis retrouvée dans la situation qu'elle avait décrite, je me suis souvenue de ce qu'elle avait dit et cela m'a puissamment aidée. (Je considère d'ailleurs n'avoir pas, et de loin, "tout" perdu).

Ils sont morts tous les deux, à peu d'années d'intervalle. Il est parti le dernier, en novembre 2000.

En définitive, qu'est-ce qu'il m'a apporté? Que je n'imaginais même pas, lorsque toute jeune, attendant tout de la vie et insolemment confiante dans mon avenir, j'avais commencé à parler avec lui ?

Je pourrais dire, pêle-mêle, une peluche grise, quelques livres, un mémoire, la poésie, la littérature belge, des lettres, une expo visitée avec lui, galerie Albert Ier, des moments de table et de bonheur partagés, dans une galerie noire de monde, du temps, des mots, un sourire, une fidélité, beaucoup de connivence, le rire aussi parfois, même quand j'ai gentiment ri de ses travers. Et puis, finalement, souvent des larmes, quand il est tombé malade, de vraies larmes, de compassion. Puis un souvenir très doux, très beau même, et heureux, parce que inviolé.

Oui, c'est ça. Un souvenir, qui, quoi qu'il arrive, restera éternellement un souvenir inviolé.

vierge

Publicité
Publicité
Commentaires
P
Ah non, en effet D&D! A cette heure-là, j'étais au lit tiens... M'étais endormie avec la lmière allumée, mais je dormais ! Au moins !è
D
:-)))<br /> Comme tu peux le voir, ça ne s'arrange pas !<br /> Mais la tendance devrait bientôt se réinverser ;-)
P
Cher D&D, vous voyagez nuitamment sur la toile, ce me semble o:) (il est un peu tôt pour les conversations croisées o;)
D
Quel beau texte, et quel beau souvenir tu nous offres avec pudeur... Je souscris également pleinement au commentaire d'Ondine.<br /> En fait, je suis tout simplement tout retourné.<br /> Je t'embrasse.
P
Coucou Petit Pep's ! Ravie de t'avoir lue... Merci pour la référence du programme. Je consulterai la Toile à ce sujet !
Mes carnets
Publicité
Mes carnets
Derniers commentaires
Archives
Publicité