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Mes carnets
20 août 2007

L'art, l'histoire, le latin, les livres et moi... (3)

Feuilly me pose la question (et j'aime particulièrement la façon dont elle est tournée) : "Qu’eussiez-vous été, petite fille, si vous aviez « fait » l’histoire ? Que fûtes-vous devenue ? Vous auriez été un peu différente sans doute. Mais un peu seulement."

Quelle petite fille étais-je? J'avais de l'imagination et, en même temps, j'en manquais cruellement.

Je ne savais pas jouer comme les autres enfants. Construire un univers imaginaire à partir de poupées, de voitures, de blocs, de casseroles, de petits meubles, de services en porcelaine... - Et j'avais tout cela- je n'y arrivais pas toujours (ou alors, je ne m'en souviens plus).  Ca doit être le même défaut d'imagination qui me rend à peu près incapable d'écrire une nouvelle ou un roman. Je n'ai pas tenu non plus à garder ces souvenirs, parce que, dans le fond, ce qui me dominait, en ce temps-là, c'était le sentiment d'un silence de mort, dans la maison, et d'une abominable solitude. Ca noyait tout le reste.

L'imagination, je la cultivais uniquement quand j'écrivais (et tant que je n'ai pas su écrire, je me racontais des histoires.) Assise à l'arrière, dans la 2cv des parents, je rêvais, et le roulement de la voiture, les paysages qui défilaient, ça me mettait dans un état de torpeur tout à fait favorable à la rêverie. Ca, je m'en souviens très bien. Quand j'ai lu, écouté de la musique, dessiné et puis écrit, mes histoires et mes personnages ont pris vie, forme et couleur, et se sont transformés en mots et en paroles... Bien sûr, c'étaient des dessins de gosse, et des textes naïfs, enfantins, gribouillés et illisibles (je n'ai rien gardé...) Peut-être que créer mon propre univers était le meilleur moyen de me donner des amis et des amies, c'était! Déjà! Une réalité virtuelle. Ou un univers virtuel devenu MA réalité.

Certains grands bonheurs, je les dois à la lecture. Il y a eu deux ou trois histoires du Père Castor que j'aimais beaucoup (comme "La maison qui chante", "Jean de Hollande" et "Grégoire, petit paysan du Moyen-Age" (Collection Les enfants du monde). Et là, mes parents s'y entendaient à merveille. Ils savaient dénicher les bouquins dont j'allais faire mon miel. Il y a eu les romans de la collection Amitié-Histoire, dont mon préféré a été "La tulipe blanche", de Helen Girvan. "La tulipe blanche", qui se déroule au XVIIème, c'était le pendant, en roman, d'un tableau de maître hollandais. Il y avait d'ailleurs des peintures de Pieter De Hooch, en illustration et cela me faisait rêver. C'est peut-être une de mes écoles préférées. Et pourtant, De Hooch n'atteint pas le génie d'un Vermeer. Ce XVIIème siècle flamand et hollandais reste une de mes périodes favorites. Je crois que c'est très sentimental.

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Ce qui est stupéfiant, et que je viens de voir pour la première fois, c'est que les personnages sont identiques, dans les deux toiles (la femme en jupon rouge et caraco noir, avec une coiffe blanche), et surtout l'autre personnage, dont la posture est presqu'identique dans les deux toiles.

**
*

A contrario, la culture latine, dans laquelle j'ai baigné, m'est (ou m'a été) essentielle. Ce que je ressentais, c'est exactement comme si j'avais vécu là-bas, parlé cette langue, écrit ces mots, et je n'étais jamais aussi heureuse -et vivante- que lorsque j'allais en Provence, puis en Italie. La culture grecque m'a également marquée (surtout la poésie lyrique), mais il y a une barrière, la langue. Autant l'apprentissage du latin a coulé de source, autant le grec m'a donné des cheveux blancs.

On pourrait bien consacrer son existence à tout ça, mais alors, j'aurais ressemblé à un rat de bibliothèque. Et la vie dans tout ça? Est-ce que ce n'est pas là aussi, le dilemme entre la vraie et la fausse vie? Qu'on finit par ressasser, sur Internet? Ca dépend du point de vue. Certains m'ont dit: vis et profite, la vie, elle est dans la rue (...) Mais ceux que j'ai vraiment aimés, ils ont aussi vécu de ça. Qui n'était pas que dans la rue, mais aussi dans les livres et donc les bibliothèques et les musées.

C'est sans doute LA raison pour laquelle je vénère Yourcenar. Ca crève même les yeux!

Il est tout de même curieux que mes auteurs préférés, en latin, ont été Tacite et Tite-Live, deux historiens. Et, pour la poésie, Lucrèce avec son "De natura rerum". Au point que je me suis acheté (heureux temps!), une édition bilingue du De natura rerum, et un volume des historiens romains dans La Pléiade (on me l'aura offert, car je me permettais rarement l'achat d'un livre dans La Pléiade...)

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Tacite, ANNALES.

Et en écrivant ça, je me rends compte que dans cet échantillonnage précis, apparaissent les deux tendances de mon esprit, (et ce qui me rend dingue, parce que je me dis que je dois choisir et je n'arrive pas à choisir, et j'ai peur de mourir avant d'avoir pu en faire le tiers du quart de la moitié du tour... Et comme tout le monde, je mourrai avant d'avoir pu en faire le tiers du quart de la moitié du tour...): l'écrit à la fois historique et narratif (mais "spéculatif" - par opposition à la fiction et à la poésie), et tout ce que ça suppose comme périples culturels... D'un côté.

Et, de l'autre côté, la poésie, la rêverie, les mots... Bref, le regard, extérieur et intérieur, la contemplation...

Que j'ai l'impression d'avoir lâchement abandonnés, mais... Pour quelle raison? Je ne sais pas. Enfin, si, je sais. C'est comme si, pour échapper à un choix, j'avais pris la tangente, c'est-à-dire, foncer tête baissée, avec une sorte d'énergie du désespoir (et pourtant, je ne suis pas désespérée, non, juste passionnée), dans l'art.

C'est-à-dire traquer la lumière et l'ombre, et surtout la tension et l'émotion, vivantes dans le monde... En usant pastels, couleurs, papier, toile, et peinture... (Et les touches du clavier ;-) Seigneur! Que de toile et de matos gâchés ;-)

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Commentaires
P
D&D, c'est vrai que je ne connais pas ton prénom, ou ton pseudo plutôt, et que D&D ça peut tout dire. Que je médite là-dessus................
D
Je dirais même plus : "Pivoine en lisant tes articles de façon approfondie, je comprends évidemment ce qui nous est commun". <br /> Mais là, tout à coup, on pourrait croire que D&D, c'est Dupond et Dupont... <br /> J'ajouterai donc pour m'en distinguer que tes commentaires aussi me touchent profondément. D'ailleurs, ceux que tu as laissés "chez moi" tout à l'heure, je n'y réponds pas pour l'instant, car je veux prendre le temps de les relire encore. Leur découverte a été, à nouveau, un très beau moment...<br /> A bientôt.
P
D&D en lisant tes articles de façon approfondie, je comprends évidemment ce qui nous est commun.
D
Je viens de relire cet article avec un bonheur intact.<br /> Je me tais... J'en profite avant qu'il ne s'échappe.
P
Ca peut paraître bizarre, Feuilly, mais moi aussi, à vous relire, je trouve des réponses précieuses.
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