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Mes carnets
19 août 2007

Modes de pensée... (2)

Prolégomènes: voilà un article qui s'annonce comme long et barbant... Ca va faire chuter encore plus mes stats. Et faire prendre la fuite aux lecteurs-lectrices. On pourrait croire que j'me la pète, et pourtant, non. Des fois, il m'arrive de réfléchir. Mais il est clair que c'est aussi une manière de masturbation intellectuelle que de replonger dans les origines du "structuralisme"... Enfin! On ne peut pas toujours touiller dans les souvenirs sentimentaux (surtout quand ils ne sont pas marrants) !

Je reviens de chez mon père où j'ai feuilleté quelques journaux. Les 2 figaros qu'il achète pour les mots croisés. Butin assez mince. Peut-être qu'ils n'ont plus rien à écrire ni personne à contredire depuis que Sarko est président? Il y avait un article sur la Nouvelle-Orléans, deux ans après le Katrina. Triste! Un autre article sur "La mort aux trousses", plaisant, mais sans plus. Et une présentation d'un des écrivains de la rentrée littéraire. (Pourquoi elle et non une autre? Mystère). En tout cas, notre Nothomb nationale sort son bouquin de l'année, avec un retour à la thématique japonaise, paraît-il.

Et puis le Nouvel Obs. Avec un dossier fort intéressant: les femmes vues à travers le prisme de la philosophie et surtout des philosophes: Platon, (avec Aspasie et Diotime, chère Diotime (;-), Aristote, Descartes, Rousseau, Kant, Hegel et Nietszche, Schopenhauer (pas terrible...) Sartre, et même Michel Onfray - qui se démarque un peu, et heureusement, de ses illustres prédecesseurs. Pas terrible, la vision des femmes chez les philosophes. Pourtant, certains philosophes n'épousent pas des femmes anodines (genre étudiante acnéique en col roulé jeans et lunettes): Bernard-Henri Levy a son Arielle Dombasle. Et le mari de Carla Bruni... A Carla Bruni.

Enfin, je lis un long article (le dernier d'une suite, intitulée "Les voyages de la pensée") qui m'a intéressée, voilà pourquoi... (Cela s'inscrit même un peu dans la suite de mon article précédent). C'est un article (de) et sur François WAHL, éditeur et un des "promoteurs" de la pensée structuraliste. J'aurais pu lire ça sur Internet (mais je ne vais jamais visiter le site du Nouvel Obs, par contre, je feuillette volontiers la revue, j'ai moins l'impression de perdre mon temps qu'en surfant sur Internet, curieux non?)

"Cette dernière rencontre avec un maître «à penser et à créer» clôt la série d'été des Débats de l'Obs. Pendant six semaines, nous avons interrogé six artistes dans leur genre, six intellectuels qui réfléchissent sur leur art. Des penseurs et passeurs originaux entre les disciplines qui ont fait l'actualité en 2007. Du compositeur français Pascal Dusapin au cinéaste italien Francesco Rosi, de l'anthropologue américain Marshall Sahlins au peintre espagnol Miquel Barcelo, du critique suisse Jean Starobinski au philosophe français François Wahl."

Comment expliquer ce que je ressens? A mon entrée à l'ULB, (et d'ailleurs, déjà au lycée), on parlait beaucoup de Roland Barthes mais nettement moins de Lacan. L'article cite Lacan, mais si on m'a donné du Roland Barthes à lire en fin d'humanités, ("Mythologies", "Le degré zéro de l'écriture"), on ne m'a pas servi du Lacan. Tant mieux, ou tant pis, peut-être.

A l'unif, bien sûr, cela allait beaucoup plus loin. Pêle-mêle, je me souviens de Ferdinand de Saussure, (père de la linguistique synchronique), de Genette, de Roman Jakobson, et là, tout de même, son schéma de la communication a fait école. Ou encore, Chomsky. Là, ça se corse, parce que pendant toute une époque, on a dépiauté la phrase française en arbre, l'arbre de Chomsky, et il m'a fallu apprendre et enseigner l'analyse de la phrase de cette façon, et plus selon la méthode ancienne. Méthode ancienne qu'on a d'ailleurs restaurée beaucoup plus tard. ("Faire et défaire, c'est toujours travailler") Il n'empêche. Ce n'est pas évident de se déprogrammer et de se reprogrammer chaque fois qu'une mouche tousse au plafond de la haute pensée (et de la linguistique). Ainsi, les groupes complément d'objet direct... les groupes compléments circonstanciels et les propositions de notre bonne vieille syntaxe sont devenus des "segments", voire des "syntagmes". Nominaux et verbaux.

20 ans après, lors de ma première année d'urbanisme, il m'est arrivé de faire un commentaire lors d'un cours. Le prof présent m'a laissé parler, puis, a (très gentiment, c'était une constatation, pas une critique), relevé le fait que ma pensée reflétait tout à fait le structuralisme qui était à la mode entre les années 60-80. Qui avait nécessairement coloré mes études. J'étais médusée parce qu'il ne me semblait pas que j'étais dingue de ces écrivains. Et cata des catas, j'étais déjà démodée... Le structuralisme, Proust et Yourcenar! Purée! Je date...

Comment expliquer ce que je ressens? C'est comme s'il y avait une imposture, à un moment ou l'autre. Pendant des décennies, une pédagogie se développe à partir d'une école de pensée. On nous "balançait" des matières que l'on nous présentait comme "vraies", concrètes, presque objectives -presque, seulement. Heureusement, personne n'oserait affirmer un système comme étant objectif. (A quoi on peut opposer, hé-hé, l'objectivité de la critique - lol, c'est même pas de moi...)

Ainsi, la linguistique synchronique, c'était du solide, de l'immuable. Il fallait que la stylistique s'appuie sur la linguistique et que les analyses de texte soient textuelles et non des amplifications poétiques... L'idée ne me serait donc pas venue de remettre ça en question. Bien que je me révoltasse, mais toute révolte se soldait par un échec (une pète, quoi! A traîner toute la vie). CQFD. Le jour venu, j'ai "avalé" et recraché tous les phonèmes, graphèmes, monèmes, semèmes et sémantèmes du monde, j'en aurais même inventé, tout, pourvu que j'aie un "papier" qui me permette de gagner ma vie (tout en la perdant, oeuf corse!)

Des centaines, des milliers de diplômés portent cette marque très profondément. En plus, comment se remettre en question quand on n'est pas au courant des évolutions et des révolutions en matière d'idées? Car, vingt ans après, il y a d'autres penseurs, d'autres grands écrivains, linguistes, philosophes... Je ne sais pas ce qui a fait suite au structuralisme, mais, visiblement, dans les années 90, on n'était plus dedans. Et entre les deux, j'avais bossé, bossé pour des clopinettes et éduqué (de façon démodée bien sûr ;-) un enfant. Or, je n'avais pas demandé, moi, à être formée et instruite conformément à une pensée structuraliste (que je serais incapable d'expliquer d'ailleurs, mais François WAHL et le Nouvel Obs font ça très bien).

Maintenant, je ne sais plus si je dois être contente d'avoir appris ce que j'ai appris, de la façon dont je l'ai appris. Une seule certitude: je ne pourrai retourner en arrière et changer les choses. Cela a été ainsi. Mais tout de même, cela me laisse rêveuse...

Je félicite ceux qui ont eu le courage de me suivre jusqu'ici ;-) Heureusement, demain, je pars dessiner... Ca va me changer utilement les idées et faire tourner l'autre moitié de mon pauvre cerveau... En attendant, il va  falloir que je dorme, car demain, je dois me lever tôt! Misère! Et j'ai pas sommeil...

Illustration: Gerhard RICHTER. 1024 couleurs.

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Commentaires
D
Allons bon,<br /> Déjà que j'étais captivé par les articles (alors même que je n'y connais rien au structuralisme), si les commmentaires s'y mettent, et bien... et bien... mais c'est vraiment super chouette !<br /> <br /> "1) prendre du recul avec ce qu’on vous enseigne et continuer à penser par soi-même et avec bon sens.<br /> 2) Ne pas faire de complexe car la nouvelle mode qui détrône l’ancienne passera elle aussi. Ce prof qui ironisait sur l’influence que le structuralisme a eu sur vous sera démodé lui aussi demain."<br /> <br /> A graver dans le marbre, on voudrait trop vite nous le faire oublier sinon...<br /> <br /> J'imagine que j'ai le même rapport avec les systèmes de pensées qu'avec les définitions. Comme un mal nécessaire. Il y a un "passage" qui permet d'avancer, de découvrir et de dialoguer. Et passé ce moment du "passage", je ne sais vraiment pas comment dire, si l'on tient à rester (par peur d'autre chose, on commençait à être si bien, en terre presque connue maintenant), alors ce serait un tunnel qui s'allonge tout à coup, et de plus en plus si l'on s'y cramponne, et au bout du tunnel on verrait la vie qui s'éloigne. Et là, c'est le mal absolu. <br /> Mais il est tout à fait possible que sois en train de raconter rigoureusement n'importe quoi. Pour l'instant, je ressens ça comme ça. <br /> En tout cas, Pivoine, ton article est vraiment intéressant, et, tout va bien, vivant !
P
Feuilly, merci pour ce commentaire. Je n'ai pas fini de le lire et de le relire, et d'ailleurs, la dernière question me plaît tellement que, du coup, j'en ai fait un nouveau post ;-) (évidemment trop long, mais j'ai mis deux ou trois images, ça aérera un peu!) <br /> <br /> Peut-être que lire un long article est plus confortable via le papier journal. A l'écran, je dois déjà agrandir les textes, et c'est vrai que quand c'est long, ça rebute. Mais dans le fond, pas plus que pour certains livres qu'on devait lire et que je lisais, papier/crayon à la main...<br /> <br /> Pour les modes et le démodé, c'est exact, surtout en matière de sociologie, de sciences humaines, d'urbanisme et d'architecture. Et c'est logique. Tout évolue. Il y a des choses qui reviennent à la mode aussi. Mais dans l'urbanisme il y a aussi deux tendances, comme en architecture, le côté historiciste, imprégné d'histoire, quelque peu décoratif... Ou le côté fonctionnel (et souvent dépouillé). <br /> <br /> Encore que ça aille aussi avec la découverte de nouveaux matériaux (le fer et le verre donnent l'art nouveau, le béton donne le modernisme... Et la suite). <br /> <br /> Merci pour ces éclairages! (Ca me passionne!)
P
Nuages, pour B.H.L. Ca c'est quand on veut faire court (ou savant ;-) on confond deux trucs. Ca m'arrive parfois, et quand j'ai un doute, je vérifie... Merci pour l'info ! <br /> <br /> Je me suis surtout dit, à l'époque de l'urbanisme, que bien des disciplines qu'on nous apprenait, et qui étaient nécessaires, ou utiles (cfr. théories de la connaissance appliquées aux sciences exactes et dans la foulée, aux sciences humaines - ou Popper) auraient été utiles dans des études à vocation pédagogique. Mais tant de choses auraient été utiles... Vraiment, ça me paraît (avec le recul) essentiel quand on parle de pédagogie. <br /> <br /> Revoir la grammaire à fond (c'est toujours à étudier et réétudier), donner plus d'heures de cours, permettre de voir et entendre des profs enseigner. On avait tout ça, mais c'était mélangé à d'autres disciplines, en part égale. Résultat, enseigner, ça s'apprenait sur le tas, une fois le diplôme acquis, en même temps que le reste (comme se battre, par exemple, pour avoir un nombre suffisant de "revues" servant de support au cours...) Y en avait 30 et il y avait 60 élèves... <br /> <br /> Pour Chomsky, j'irai voir un peu plus loin, autant creuser davantage... <br /> <br /> Mais ce qui domine, quand je relis ces articles, c'est de me souvenir à quel point ma curiosité, mon avidité d'apprendre étaient réelles, à l'époque... Peut-être que je n'avais pas de recul critique, je fonctionnais au coeur à coeur. J'aimais et donc j'apprenais, je n'aimais pas donc je rejetais en partie. En partie seulement. Et maintenant, tout est passé, tout est derrière moi, et ça me donne le vertige...
F
Bernard-Henri Lévy : un des seuls auteurs dont je n’ai pas terminé un livre.<br /> <br /> Noam Chomsky : je l’ai d’abord étudié en temps que linguiste. Puis ces dernières années j’ai découvert qu’en effet c’était une des figures de proue de l’opposition au néo-capitalisme et au néo-colonialisme, ce qui me l’a rendu très sympathique. Il faut absolument lire ses articles.<br /> <br /> Starobinski : lire son remarquable livre : Jean-Jacques Rousseau, « La <br /> transparence et l’obstacle ». <br /> <br /> Presse papier et Internet : c’est vrai que la version papier confère toujours un prestige à celui qui la lit, tandis qu’Internet semble relever du loisir et de la perte de temps. Cela est sans doute lié à l’aura de la chose écrite.<br /> <br /> Le structuralisme : j’adore Lévi-Strauss. Pour le reste, en littérature, cette méthode, dont j’ai été partiellement abreuvé également, m’a toujours semblé réductrice. Relire l’analyse des « Chats » de Baudelaire par Jakobson. Il en vient à compter les mots masculins et féminins présents dans le poème pour conclure à une homosexualité latente chez le poète… Cela n’a plus rien à voir avec l’émotion que l’on éprouve devant ce beau texte.<br /> Lévi-Strauss, par contre, donne dans les quatre tomes de ses « Mythologiques » de réelles clefs de lecture pour interpréter les mythes amérindiens.<br /> <br /> Ceci étant dit, il est clair qu’il y a des modes et que les modes passent. Du coup, si on s’en tient à ce que l’on nous a enseigné, on se retrouve vite dépassé. Ce qui semblait le sommet de la recherche à une certaine époque est devenu « ringard ». La seule solution :<br /> <br /> 1) prendre du recul avec ce qu’on vous enseigne et continuer à penser par soi-même et avec bon sens.<br /> 2) Ne pas faire de complexe car la nouvelle mode qui détrône l’ancienne passera elle aussi. Ce prof qui ironisait sur l’influence que le structuralisme a eu sur vous sera démodé lui aussi demain.<br /> <br /> Mais c’est vrai que l’école nous donne des schémas mentaux dont il est bien difficile de sortir. Qu’eussiez-vous été, petite fille, si vous aviez « fait » l’histoire ? Que fûtes-vous devenue ? Vous auriez été un peu différente sans doute. Mais un peu seulement.
N
Et à propos de Noam Chomsky, qui est non seulement un grand linguiste, mais aussi un intellectuel "engagé" critiquant la domination américaine (etc...), l'émission de France-Inter "Là-bas si j'y suis", de daniel Mermet, lui a consacré une série d'entretiens, qu'on peut réécouter à la carte sur le site de l'émission (site inépuisable et passionnant) : http://www.la-bas.org/
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