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Mes carnets
18 juin 2007

Vie de bureau

En mangeant (une délicieuse pizza, bien chauffée pour une fois...) je me suis souvenue d'une anecdote, le genre de petite histoire qu'on doit souvent vivre quand on vit, pardon, quand on travaille dans un bureau. J'ai bossé cinq ans et quelques mois dans une "moyenne" entreprise, et on peut dire que j'y ai appris la vie. (Et un registre de vocabulaire plutôt salace aussi...)

Dans un autre service, il y avait un mec, genre représentant de commerce, donc un commercial doublé d'un itinérant, qui plaisait aux femmes. Pas trop mal de sa personne, des beaux yeux, charmeur plutôt que séducteur, beaucoup de mes collègues en étaient bleues. Perso, je trouvais qu'il bossait bizarrement, comparé à nous. Il était du genre à venir se raser à 14 heures au bureau... Avait-il donc servi les intérêts de la boîte de 19 heures à 12 heures le lendemain non stop? J'avais des doutes... La collègue qui travaillait dans le même bureau que moi - mais pas dans le même service, et qui n'était pas bête - l'aimait plutôt bien et parlait souvent avec lui. Ce qui m'a valu des phrases du style: "il m'a dit des choses, mais ces choses, je ne peux pas les répéter" (ou quelque chose d'approchant). D'autres collègues disaient la même chose, à propos d'autres histoires.

Voilà le genre de parole comme ça, l'air de rien, qui me mettait mal à l'aise. Ce n'était pas des potins de bureau, non, cela concernait, je pense, des choses plutôt graves (genre avenir et achat ou vente de services, etc. Encore que à l'époque où on a été vendus (comme au marché aux bestiaux), il était déjà parti depuis longtemps). Ca me mettait mal à l'aise, mais pourquoi ?

Parce qu'une fois qu'on vous dit ça; qu'on sait qu'il y a des choses importantes qui se jouent dans une boîte et qu'on n'est pas au courant (sauf quand il est trop tard), on est frustré. On voudrait dire "oui, mais il t'a dit quoi ?" - mais on sait aussi que c'est le genre de phrase qu'on ne peut pas prononcer. Donc, on doit prendre l'air de celle qui écoute, point barre. Définitivement désintéressée par toute question autre que celle de l'enveloppe des clopinettes du 30 ou du 31... Finalement, c'est le genre de communication biaisée, du style: je sais tout mais je dirai rien. (Au lieu de "je sais rien mais je dirai tout"). Sous-entendu, toi tu sais rien et tu resteras ignorante. Ca m'énerve...

Peu avant la restructuration et le déménagement, nous avons eu un vérificateur aux comptes. Non, c'était plutôt un réviseur d'entreprise. J'ai donc dû lui transmettre un certain nombre de dossiers et le comptable lui transmettait les livres et les pv de CA et autres joyeusetés. Il bossait dans la cafet - qui précédait la cuisine et je longeais la table chaque fois que j'allais me faire un café. (Ce qui m'arrivait souvent, les journées étaient longues, insupportablement longues...) Un jour, j'ai cédé à la tentation. Il était parti, je me suis penchée, j'ai soulevé une feuille et j'ai commencé à lire un pv. Je ne pouvais rien dire à personne, je ne pouvais rien révéler - outre que cela aurait été répété, c'était tout de même le fruit d'une indiscrétion (même si c'était dans mon intérêt).

Ce que j'y ai lu m'a laissée pantoise. J'ai mis quelques jours à m'en remettre et je n'ai fait ni une ni deux, je me suis remise en ordre sur le plan syndical. J'avais tout abandonné à ma sortie de l'enseignement, tellement j'en avais marre de ma centrale, et j'avais négligé de m'affilier à une autre. En plus, à l'engagement, on m'avait dit - véridique - que dans cette boîte, on n'aimait pas du tout le monde syndical ni les employés syndiqués. (Nous étions payés en-dessous du minimum légal). Ceci dit, à partir d'une certaine époque, j'ai tout de même clairement fait comprendre à mes collègues qu'il fallait se syndiquer.

Je n'ai plus jamais négligé de payer mes cotisations, parce qu'à ce moment là, j'ai compris ce que c'était que le monde de l'entreprise.

Pourquoi je raconte ça ? Parce que cela m'a "saisie" sur deux plans. "La vie au bureau", c'est la gestion du relationnel et souvent, ça bouffe de l'énergie - énergie qu'on devrait pouvoir consacrer au travail. Or,  j'ai finalement l'impression que ça bouffe 75% de l'énergie... Au moins. Peut-être même plus.

Et "le monde de l'entreprise", pour moi, est synonyme de mort, de meurtre de la personne humaine. Oui, rien n'y personne (et probablement aucune thérapie) ne pourra changer ce ressenti: c'est comme si, pour moi, l'entreprise était définitivement une machine broyeuse de vies humaines. Et les asbl suivent le mouvement (asbl = associations sans but lucratif) et même les asbl à vocation philosophique, et là, c'est tout simplement ce que je ne leur pardonne pas. Ce que je ne leur pardonnerai jamais.

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