De la condition de l'artiste
Cela me poursuit.
(Prétexte: qui me dira si je suis douée ou alors, vraiment pas douée!)
Personne. Mais bien: douée ou pas douée versus TRAVAIL...
Ok, travail, travail, oui, mais,
Est-ce que cela en vaut la peine?
Alors... Artiste / pas artiste ?
Il y a ce que je sens, bien sûr, mais je peux mal sentir. Sentir de travers. Et ne pas voir. Etre en totale subjectivité. C'est pour ça que j'ai aussi besoin du regard d'un prof, de pros... Mais le regard, l'avis du prof: je l'ai eu:
F*** l'an dernier : "j'ai l'impression que tu attends des solutions", ou bien "le problème, chez toi, c'est la double personnalité". (double personnalité? Qu'ès acco?)
Et cette année: "ne bouchez pas votre peinture" - Bon, je débouche tellement que chaque jour, je recule devant l'effort d'y aller.
Mais ça veut dire quoi, ça? Non, je n'attends pas des solutions, je les connais:
1) ne pas me prendre au sérieux
2) continuer parce que j'aime ça,
(oui, mais est-ce que ça sert à quelque chose d'alimenter le monde en horreurs barbouillées par une amatrice?)
Ne vaudrait-il pas mieux me dire, gentiment, paternellement: "ma brave petite, rentre chez toi! Occupe-toi de tes chats, de ton fils quand il est là, (de ton père aussi), de ton ménage, lis, va à la bibliothèque, sors, fais du bénévolat, amuse-toi, mais laisse la peinture aux peintres professionnels..."
Et puis, je l'ai confronté, ce travail débutant, au regard d'autrui, sur les pages de mon ancien blog. Je me demande si j'ai bien fait. J'ai eu des avis enthousiastes. Des avis aussi, de non-compréhension (on attend un beau petit truc figuratif, à mettre sur la cheminée, et puis "oui, c'est quoi, ça, cette peinture abstraite qui n'apprend rien sur Knokke-le-Zoute?")
Des avis encourageants aussi. Mais, rien à faire, je serai toujours une petite amatrice.
Comme un de mes copains! Le pauvre A***, un garçon fou d'art et d'histoire de l'art, qui a appris le dessin, la gravure, la sculpture, reçu des prix, exposé, en groupe bien sûr (en tant qu'individuel, il faut être vraiment très riche, ou bénéficier d'un truc communal, culturel, officiel, ou s'endetter à mort).
Seulement voilà, célibataire, il lui fallait bien gagner sa vie... Et quand des acheteurs potentiels le contactaient, quand par malheur, ils apprenaient qu'il était coiffeur, de son métier, ils disaient: "ah non! Hein, un coiffeur, ça ne va pas ça..." Surtout un coiffeur pour hommes... Passe encore s'il avait été coiffeur pour dames, s'il avait eu un certain look, avec des longs cheveux, par exemple, un air inspiré, bref, s'il avait correspondu à un "cliché", il aurait vendu à cette dame des Communautés...
Bon, on me répondra: ne t'occupe pas des clichés. Travaille. Oui.
Je veux bien travailler, mais je me poserai toujours des questions sur la condition de l'artiste, et cette fois, sur la condition de l'artiste amateur - comme si l'artiste amateur ne trouvait sa place nulle part, hormis dans les académies du cours du soir (où il y a pourtant des pros...) et les stages d'été. Et pourtant, quand je vois ce que l'une ou l'autre Maison des Artistes officielles expose... Art et commerce, entremêlés... Mais l'art et le commerce finissent, peut-être, par toujours s'entremêler. Moins que la littérature, où l'on donne sans compter, où je dirais même que l'on PAIE (de sa personne, de son temps et en espèces sonnantes et trébuchantes), pour donner...
Dois-je vraiment me poser toutes ces questions, moi qui ne m'en pose plus sur la condition de poète? Là, c'est simple, pour éliminer les questions, j'ai fait le nettoyage par le vide. Pratique. Mais définitif.
Apparemment, je ne suis pas faite pour une vie sans questions.
Un de mes premiers profs, comment s'appelait-il déjà? Harry. H*** n'entrait pas dans le discours condition de l'artiste ou condition d'artiste amateur... Il recommandait de ne pas regarder ce que font les autres (quand on les regarde pour penser que, chez eux, c'est toujours mieux)... Il parlait d'un artiste allemand contemporain, qui peignait un magnifique paysage, et puis, tout content, jubilatoire même, y dessinait un petit bonhomme à vélo. Et il nous faisait la démonstration. Il disait que les oeuvres de ce peintre (de Cologne, je crois), se vendaient un prix fou. Et ici, je ne pense même pas à la vente, oh non, seulement à ce qu'on est. Pour lui, l'art était dans le fait de peindre, et de peindre dans la joie et la jubilation. Cette idée m'a trotté longtemps en tête, mais cette année, je n'arrive pas à jubiler...
Somme toute, aujourd'hui, je suis CA, juste, ça. Et je me dis qu'avoir la prétention d'être autre chose, de penser même à autre chose, c'est de la prétention, justement...
Et Marguerite Yourcenar en parlait aussi, des barreaux de la prison. Or, elle était Marguerite Yourcenar, née de Crayenc our, vivant aux Etats-Unis, donnant des cours dans une université américaine...
Elle est tellement haut, loin, hors de notre portée qu'on ne peut entièrement la suivre (enfin, moi du moins, qui l'adore pourtant...) dans son oeuvre... Ne fût-ce que "L'oeuvre au Noir" qui est un roman initiatique pourtant...
Mais finalement, faut-il lire ce roman pour apprendre à cheminer sur une route initiatique?
Ou connaître l'expérience initiatique pour suivre Marguerite Yourcenar?
C'est idiot ce que je dis: la route initiatique, on ne la connaît pas, "de manière scolaire ou intellectuelle", sauf si on porte un regard, après, sur le chemin parcouru. Je crois qu'on la VIT au jour le jour, en partant chaque fois d'une (re)naissance, mais en essayant de lui donner un sens... Lequel?
Avec des outils virtuels, ou plutôt, symboliques, et parfois même... Les outils de la vie.
C'est sans doute cela qui m'a plu, -et attirée, bien sûr!- dans une certaine forme de pensée, la pensée initiatique, mais je ne suis jamais arrivée à l'exprimer correctement. Et je suis toujours en train de tâtonner, à l'aveugle.
Et de m'agiter... en tous sens...
Enfin, l'écriture, ça, ça reste quelque chose de concret, et d'établi...