"British visions: de l'observation à l'intériorisation" (2)
Voici la suite... (Et la fin!)
Et puis, je ne peux terminer cette rétrospective sans une
référence à deux de mes Anglaises préférées, les soeurs Stephen,
Virginia et Vanessa. Encore deux soeurs anglaises, tiens... A la fois proches et différentes des soeurs Austen (la romancière Jane, et Cassandra, qui portraiturait sa soeur de dos...) ou des soeurs Brontë.
Virginia Stephen, épouse de Léonard Woolf,
est l'écrivain fabuleux que l'on connaît. Je ne saurais assez en
conseiller la lecture, tellement dense, parfois dramatique (La traversée des apparences), parfois heureuse ("Orlando. Une biographie"), et variée (elle alternait écriture d'un roman tragique, et d'un roman plus léger, elle alternait aussi écriture d'un roman ou d'un essai). Elle est une extraordinaire diariste; ainsi, elle mentionne sa rencontre avec Marguerite Yourcenar, la traductrice du roman "Les vagues" (Mademoiselle Youniac? se demande-t-elle dans son journal), qui lui rendra visite, habillée d'une robe noire à fleurs jaunes d'or (si mes souvenirs sont bons)...
Et Vanessa Sephen, sa soeur, est
peintre. Et la femme de Clive Bell. Avec leur frère et leurs amis masculins, diplômés de
Cambridge, (de Trinity Collège - dont j'ai une image chez moi...) elles sont l'âme - et la grâce - des nuits et du "groupe" de Bloomsbury... Ces hommes
et ces femmes avaient des vies hors normes. Tout en étant l'épouse de
Clive Bell, Virginia Stephen est aussi la compagne du peintre Duncan Grant, dont elle a une fille, Angelica Bell - qui sera également connue comme peintre
sous le nom d'Angelica Garnett.
Dora Carrington, peintre également, était la compagne de l'écrivain et biographe anglais, Lytton Strachey.
Tout ça pour en arriver à quoi ?
(Il faudra que je parle un jour dans mon blog de Virginia Woolf, de ses
consoeurs - et de leurs amis. Lire leurs oeuvres, approfondir leurs vies, découvrir leurs tenants et aboutissants, tout cela a profondément marqué ma vie, surtout
entre 1990 et disons, 1997). Pour cette passion de la création
artistique et littéraire qu'ils partagent. Et, sans doute aussi, pour
cette aisance à passer d'une discipline artistique à l'autre, sans
frontières ni tabous.) Car tout ça... C'est moi... Enfin, disons que j'aurais aimé vivre l'équivalent dans ma propre vie. Ah oui! Ca m'aurait plu !
Alors, cette expo "Visions et/ou regards dans la peinture anglaise"... Qu'y avait-il de commun entre Julia Margaret Cameron, une pionnière de la photographie féminine? Dont on pouvait admirer deux oeuvres, à Gand.
Auteur de la photo: Julia Margaret Cameron.
Et le portrait plus tardif de Lytton Strachey, assis dans une attitude nonchalante, devant la croisée d'un salon donnant sur un parc ?
Ou encore, avec ce portrait moderne de M. et Mme John Maynard Keynes, l'économiste et mathématicien britannique, célèbre pour être le théoricien et le père du plein-emploi...
William Roberts (1895 – 1980)
portrait de Maynard Keynes et de son épouse, 1932
© National Portrait Gallery, Londres
Mais le lien entre toutes ces personnes, c'est Virginia Woolf, évidemment ! Elle est la petite-nièce de Julia Margaret Cameron; l'amie fidèle et la correspondancière de Lytton Strachey, et également une amie de Maynard Keynes. Toute leur vie, Lytton Strachey et Virginia Woolf seront sujet, et observateurs critiques (mais amicaux) d'une certaine rivalité littéraire. Lytton Strachey semblait avoir tous les atouts (une famille connue, les Strachey, une instruction poussée, à Cambridge, une facilité d'écriture et la reconnaissance de ses contemporains).
Les enfants STRACHEY. Ils étaient dix ! De gauche à droite, les seuls célèbres:
la deuxième à gauche en blanc: Dorothy STRACHEY (future épouse du peintre français, Simon Bussy, future amie et traductrice d'André Gide, et future auteure du best-seller écrit en anglais et en français, "OLIVIA"), Lytton, et, à l'extrême-droite, James Strachey, futur psychanalyste et traducteur de toute l'oeuvre de Freud en anglais.
Et pourtant, s'il n'y avait eu la biographie de Michaël Holroyd et le film qu'on en a tiré, "Carrington"... Qui connaîtrait encore Lytton Strachey ?
Finalement, c'est l'entêtement et le talent de Virginia qui l'emporteront. Pourtant, ses premiers livres ont paru assez modestement sur les presses de la Hogarth Press, la maison d'édition qu'elle avait fondée avec son mari. Et ce sera Vanessa qui illustrera les premières couvertures de Virginia Woolf.
Couverture de Vanessa BELL pour l'édition de "La promenade au phare" (de Virginia Woolf).
Vanessa BELL en train de peindre. Portrait par Duncan GRANT.
Enfin, le portrait de Léonard WOOLF, par Vanessa BELL: (Les mâtins! Ils n'arrêtaient pas de se peindre les uns les autres! Et ils avaient raison...)
A noter que la plupart de ces tableaux que j'ai sélectionnés pour illustrer mon article ne se trouvaient hélas pas à l'exposition gantoise... Mais je voulais ouvrir (et suivre), ces pistes-là plus longuement.