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Mes carnets
12 septembre 2007

Odilon-Jean Périer et moi (2)

Il est né et a vécu rue Defacz, à Ixelles.
Je suis née à Uccle et j'ai vécu très, très longtemps, rue Van Eyck, à Ixelles. J'ai toujours connu la rue Defacz.

Il se promenait avenue Louise, "Haute fenêtre où ma ville s'appuie", perpendiculaire à sa rue, parallèle à la mienne; au Bois de la Cambre, "Dans le bois de la Cambre, un facile dimanche", place Stéphanie, porte de Namur, etc. etc. Idem pour le Jardin du Roi, le Bois de la Cambre et le jardin de l'Abbaye de la Cambre.

J'ai bien évidemment aussi arpenté l'avenue Louise, qui avait un tantinet changé, entretemps. Mais la couleur du ciel était la même, ça s'est sûr.

Il a fait ses études à l'Athénée Royal d'Ixelles. J'ai terminé les miennes au Lycée Royal d'Ixelles.
Il est allé à l'ULB, mais rue des Sols, en fac de droit. Il n'a jamais plaidé.

Je suis allée à l'ULB, avenue Franklin Roosevelt, en fac de Lettres. Et je n'ai pas continué. Mais j'ai quand même enseigné...

Il s'est marié avec Laure Féron et est allé vivre au 268, avenue Louise. Entre la rue Gachard et la chaussée de Vleurgat. C'était à dix minutes à pied de "chez moi". (de mon chez moi d'avant). La maison existe toujours, Gérard Watelet y a installé sa maison de haute couture. Je pense à lui chaque fois que j'y passe.

Il a malheureusement contracté une angine à streptocoques, lors de son service militaire. Rechute, angines à répétition, rhumatisme articulaire. Les antibiotiques n'existaient pas. Il est mort à 27 ans d'une péricardite rhumatismale, en février 1928, quelques jours avant la naissance de son fils. (Lequel est devenu médecin, il s'agit du Dr Olivier Périer).

Périer était l'ami d'Eric de Haulleville, fils du conservateur en chef du musée du Congo.

Chaque fois que je suis allée au musée du Congo, j'essayais d'imaginer la scène, le trajet, avenue de Tervueren jusque là-bas, les courses et les conversations des deux amis sous les combles du musée.

Ma découverte d'Odilon-Jean Périe, c'est un jour (en 1979), l'écoute du poème "Le Citadin" (1924) récité par Charles Kleinberg. Ce que j'ai ressenti alors: un émerveillement sans pareil. Je voyais exactement ce qu'il avait écrit. Je savais ce qu'il avait écrit. Je le voyais tous les jours. Depuis toujours.

Le plus drôle est que Madeleine Defrenne, mon professeur de dissertation de l'ULB, à qui je dois d'avoir appris à disserter (tout en adorant cet exercice - ce sont mes meilleurs souvenirs de l'ULB), a fait sa thèse de doctorat sur Odilon-Jean Périer en 1957 (l'année de ma naissance). J'ai son livre, je l'ai même en deux exemplaires (et je ne parviens pas à m'en défaire).

Odilon-Jean Périer, je le retrouve en régendat, dans les cours et le livre de grammaire ("De l'analyse grammaticale à l'analyse littéraire") de mon prof, Louis Daubier, qui l'aimait autant que moi. (Il possédait deux numéros spéciaux du "Thyrse" et il ne parvenait à se défaire d'aucun d'eux).

Combien de fois n'en avons-nous pas parlé, dans nos conversations, entre le printemps 1981 et l'hiver 1997.

Mon premier poème publié - en réalité, il s'agit de mon deuxième poème - est un poème que j'ai écrit sur Bruxelles et sur Périer. Dans "Le Spantole". J'en ai précieusement gardé le premier jet, annoté au crayon par mon professeur, qui, à ce moment-là, était "autre chose" que mon professeur. Il était pour moi ce qu'Armand  Bernier avait été pour lui. Ce qu'Auguste Marin avait été pour Armand Bernier. Et ce que Périer avait été pour Auguste Marin. Ma mère m'a donné un conseil important: "garde ça toujours, c'est très précieux".

Toutes les deux, d'ailleurs, on étudiait volontiers la couverture du roman "Le passage des anges", (chez Jacques Antoine), laquelle représentait une peinture de Périer: les toits des maisons et le paysage, depuis sa fenêtre, au 268, avenue Louise. Il se fait que ma mère connaissait bien la rue Gachard, on essayait donc ensemble de s'y retrouver. Elle me disait aussi qu'entre lui et moi, entre OJ. Périer et moi, il y avait une "fraternité d'âme". Pour une fois, elle avait visé juste. Bien que je ne croie guère à la pureté. (Mais y croyait-il? Et que mettait-il dans ce vocable? Ca ferait l'objet d'un 3ème article, cette histoire de la pureté en poésie). Ceci dit, l'homme vivant m'échappe. Je ne le connais que par les livres et par le quartier où nous avons vécu lui et moi, à trente ans d'intervalle.

Et, aussi, par une semblable exigence (et d'impatience? Pour moi, oui, pour lui, je l'ignore) en matière d'art (ou de poésie).

OJ Périer aimait autant Bruxelles que moi je l'aime. Quand ça va mal, j'essaie de penser à lui. Ce n'est pas toujours facile. C'est un ami invisible, depuis si longtemps (parfois trop longtemps, il fait partie d'une époque révolue de ma vie).

Il a écrit: "le vent prend la place des promeneurs et joue avec les feuilles mortes, les automobiles vivantes. Je n'ai garde d'oublier les marronniers de cette avenue, que l'on ne saurait trop aimer. Ils respirent de toutes leurs forces, ils tiennent de la place, ils sont à Bruxelles ce qu'est la Seine à Paris, le Vésuve à Naples. Beaucoup de Bruxellois ne l'ont jamais su." (Lettre ouverte à propos d'un homme et d'une ville).

Et cet aspect-là -qui nous est commun- trouve sa résolution dans ("mon") "Bruxelles ville d'humanisme", (BVH - Quelle aventure irréelle quand j'y songe !) et avant ça, dans les promenades que j'ai guidées à Bruxelles, en vieux tram, (en BTT, le Brussels Tourist Tramway), de 1992 à 1995 (voilà d'ailleurs la raison pour laquelle j'ai fait un an d'études d'urbanisme...)

Il reste le dessin, chez Périer, et là, je ne sais pas si un chercheur s'est jamais penché sur la question...

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Commentaires
P
........... D, c'est vrai, il y en a d'autres aussi, de ces fraternités d'âmes. Il y en a dont je pourrais parler, d'autres, c'est plus difficile. Merci aussi o:-)
D
Je continue...<br /> Je suis particulièrement sensible à ces amitiés<br /> irréductibles, ces fraternités d'âmes, ces reconnaissances intimes, je ne sais pas comment les appeler...<br /> Cela ne t'étonnera pas, j'imagine...<br /> Comme tu en parles...<br /> Et tout cela exauce formidablement un voeu que j'avais émis à la découverte de ton blog : approcher ce qui a pu mener à ta révolution...<br /> A bientôt.<br /> PS : comment ça, quel courage ? Quelle chance, oui ! :-)
F
C'est amusant, cette amitié à travers le temps, envers une personne que l'on n'a pas connue mais dont on se sent proche. D'où l'importance des livres (ou de la peinture), qui véhiculent la culture à travers les âges. Sans doute est-ce cela qui fait avancer l'humanité (pour autant qu'elle avance), cette capacité à transmettre des impressions qui germent alors chez d'autres.
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