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Mes carnets
16 janvier 2007

Bulles de rosée...

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Roses comme la tranche dorée du livre... "Reliure pleine toile, frappée au fer, rose et doré sous jaquette  illustrée" - Toujours de Paul Durand, les aquarelles.

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Je relis un roman de jeunesse... Pris un peu au hasard dans la bibliothèque - la version française bien sûr, mais j'aime bien les couvertures illustrées de collections anciennes. Et sur Internet, on trouve des versions portugaises du roman de Berthe Bernage, "La marguerite s'effeuilla".

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Inouï comme il s'agit d'une littérature bien pensante. Qu'on qualifierait plutôt de mal-pensante à l'heure actuelle, même. En effet, on lui prête des sentiments pétainistes - surtout pour ce qui concerne les Brigitte. (Toutefois, je peux difficilement concevoir que chez Berthe Bernage, cela ait dépassé le cadre de la promo de "valeurs" dites morales, (amour, famille, patrie)... Ce n'était tout de même pas une collabo, loin de là... Elle se prononce même assez virulemment contre le marché noir, (contre les profiteurs de guerre, en réalité...) Le tout venant se voyait bien obligé d'acheter au marché noir, sinon, tous les citadins moyens seraient morts de faim...

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("Jeunesse", 3ème tome de la série "Le roman d'Elisabeth",
Couronné par l'Académie française
)

Question à 100 sous, est-ce que je pourrais écrire un livre sur la guerre, une histoire sur la guerre, qui occulte la déportation ? (Elle l'a fait, avec "le Roman d'Elisabeth"), Je ne le pense pas. Mais écrire une histoire qui se passe pendant la guerre, alors que je ne l'ai pas connue ? Non plus...

Enfin, "La marguerite s'effeuilla" (et sa suite, "La marguerite refleurira"), se passe après la guerre. L'histoire se situe dans l'ïle et Vilaine (le 35 !) près de Rennes, dans un village imaginaire. Je connais un peu cette région - ce n'est pas la Bretagne sauvage du Finistère, non, pas du tout. C'est la terre originaire de Chauteaubriand. Mais une région très verdoyante. Plantée de châtaigniers, aux maisons de pisé. (Enfin, ce l'était il y a trente ans!)

Reine-Marguerite, l'héroïne, a deux soeurs plus jeunes qu'elle... Son père est médecin, sa mère, femme au foyer. Il y a aussi une bonne bretonne, Corentine, bourrue, talentueuse, aimante et intelligente. Ce genre de personnage (dont la vocation est d'aider les familles à prendre conscience des drames traversés par une héroïne - ou d'aider tout court), traverse bien des livres de Berthe Bernage (il y a toujours une servante, une gouvernante, une "laveuse" ou une bonne, fine psychologue et grand coeur dans ses livres...) Gracieuse, la Basquaise, dans les "Giboulée", Mariette dans "Le roman d'Elisabeth", "Mme Esprit", une bourguignonne, dans "Mamie Soleil", la très parisienne et sociale "Zélie-la-Laide" dans les Brigitte... Et Corentine dans "La marguerite".

Leur père, homme froid et sec, ne veut pas que ses filles fassent des études. Ni qu'elles sortent, ni qu'elles voyagent ni qu'elles s'amusent. L'aînée devra épouser un médecin, qui reprendra la patientèle et le cabinet et les recherches. Reine-Marguerite n'agrée pas le premier prétendant présenté... Ce qui met son père (il a tout des pères de Molière, cet homme...) en fureur. Quand, ta-ta-tam! Revient Michel, l'aîné des Abran. Les Abran sont une famille amie, nombreuse, très moderne et complètement désargentée. Michel est médecin et veut s'établir aux colonies. Mais cela coûte cher et il faudrait hypothéquer la ferme familiale. Discussions familiales, tensions entre les frères... Abandon d'un projet de mariage... Il finit par succomber au charme de Reine-Marguerite, qui l'aime en secret, d'où grand amour réciproque, fiançailles sur la rivière, etc. etc. C'est le bonheur.

Hélas! La jeune fille est fauchée par un camion, dans une ultime promenade à vélo... D'abord entre la vie et la mort, puis défigurée, infirme, quasi dans le plâtre de la tête aux pieds, elle "rend sa parole à son fiancé" comme on disait à l'époque. Et devant le lit de mort de son père, elle accepte que sa petite soeur l'épouse, ce fiancé, afin qu'il puisse continuer l'oeuvre (et donc reprendre le cabinet) de leur père médecin de campagne et chercheur...

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Eh bien, je devrais être honteuse de lire ça. Mais non, cela me donne un excellent moral, disons que cela me restaure plutôt le moral. Après la lecture de "Histoire d'Ô", ce n'est pas du superflu. Démoralisant, Ô, et puis, il y a carrément des passages que je ne suis PAS arrivée à lire (je passais, je passais... Comme quand au cinéma, on ne regarde l'écran que d'un oeil, attendant que la scène de suspense ou de violence soit finie).

***

Je dois être une des rares filles de mon époque à avoir lu Berthe Bernage. A la bibliothèque d'XL, il y avait toute la série des Giboulée. J'adorais ! Dans la foulée, j'ai emprunté les Brigitte, puis "Le roman d'Elisabeth" et ces trois romans, quasi uniques, de "La marguerite" et de "Mamie Soleil". Les volumes de la bibliothèque étaient tout de même bien usagés - je n'étais pas seule à les lire. Aujourd'hui, on s'arrache les exemplaires (illustrés par Paul Durant - par la suite, le texte a vraiment par trop été expurgé) en ligne.

Tout cela parce que ma mère avait cinq ou six albums des "Veillées des chaumières", des livres de la Bibliothèque de ma Fille et deux "Brigitte" - "Brigitte jeune fille, Brigitte jeune femme" et "Brigitte et le bonheur des autres".

Ma mère m'avait mise en garde contre cette littérature qu'elle trouvait plutôt pernicieuse. (Aujourd'hui, je comprends mieux son point de vue). Mais, rien à faire, j'étais captivée. Je survolais ce qui m'ennuyait, mais j'adorais certains personnages. Dans nos discussions, chacune défendait son point de vue. Très critique, ma mère pointait le fait qu'une célibataire comme Berthe Bernage ait écrit une véritable apologie du mariage et du mariage bourgeois : la femme ne travaille pas, elle est là pour faire le bonheur de son mari aimé (pour en être aimée aussi, il ne faut pas rêver... Ce sont même des maris fabuleusement aimants, même s'ils ne sont pas toujours fidèles), et pour avoir de nombreux enfants. Avec l'aide d'une bonne, bien sûr, ou d'une aide ménagère.

J'ai souvent rencontré des personnes qui me disaient "tiens, ma mère a lu ça aussi". (Mais je n'en ai jamais trouvé trace nulle part). La mère d'un gars que j'ai connu lui aurait dit, à mon propos "si elle a lu ça, elle va souffrir plus tard." je ne sais pas très bien ce qu'ils entendaient par là, quel était le rapport entre cette lecture et une souffrance possible (si je m'étais imaginé que cela correspondait à la réalité? Mais je savais bien que non!) tout ce que je sais, c'est que cela fait partie des livres que j'aime bien relire de temps en temps.

Et puis, il y a le style. Elle a un très beau style, qui évolue bien avec le temps, qui passe facilement du registre d'une langue classique, parfois poétique, à celui d'une langue plus primesautière, ou plus moderne, dans le vent. Ses personnages évoluent aussi, avec le temps. Elle les a fait évoluer - en tenant compte des avis des lectrices (pour le personnage de Marie-Agnès, la fille cadette de Brigitte - une prof de philo, licenciée en philosophie et mariée à un médecin) - bien sûr, on reste dans un microcosme bourgeois... Même si les préoccupations sociales sont toujours présentes.

***

Une lecture paradoxale... Je pouvais, à la noël 1974-1975, lire des livres de Berthe Bernage, tout en découvrant et en approfondissant la poésie de Rimbaud. Le contraste entre les deux ne m'a jamais gênée...

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petits dessins perso très anciens...
(d'après des illustrations des Veillées des Chaumières)

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Commentaires
P
Bonjour Mousie. Je suis allée voir votre blog. (Dommage qu'on ne puisse pas commenter). Et je me suis aussitôt replongée dans un album des VdesChaumières de 1924, ou 23-24... Il y a des articles assez courts et fort intéressants de ces dames, aussi bien Berthe Bernage que de Marguerite Bourcet, qui signait aussi Guette et Edith de Ferlac.
M
Bonjour jolie Pivoine...moi aussi j'ai lu Berthe Bernage...moi je suis plus vieille...moi aussi j'ai été surprise, voire choquée par certains commentaires à propos de Berthe Bernage...alors comme j'ai la chance d'avoir des milliers d'heures de liberté, j'ai fait un blog, un de plus pour comprendre, relire les Brigitte...pour mieux saisir en quoi cette littérature a été importante pour des générations de femmes...<br /> alors si vous le voulez je pourrais vous demandez de témoigner sur ce que représenta pour vous B.Bernage...Mon nom vous emmèrera à la page d'accueil de mon village...<br /> A bientôt j'espère<br /> Mousie
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