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3 juin 2008

"L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers..." (lecture)

Il est rarissime que je lise dans le métro, pourtant, certain soir, à peine assise sur un banc, dans l'attente de la rame direction Stockel, j'ouvrais "L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers", de Nicole VERSAILLES.

Très vite, ce livre qui aurait pu s'intituler aussi "Lettre à Eugénie" -puisqu'il se présente sous la forme d'une longue missive- m'a fascinée.  Au retour, installée dans la rame en direction de Saint-Guidon, j'ai replongé dans ces pages, et j'en étais arrivée à la naissance de la narratrice, en plein tohu-bohu de la guerre, au moment où j'ai dû refermer mon livre pour débarquer dans un quartier encore sous surveillance policière...

Et déjà, j'avais découvert, au début de ce court et dense volume, des faits de vie auxquels je suis particulièrement sensible.

***

Roman autobiographique, donc, regard porté sur l'histoire de trois femmes, Eugénie, la grand-mère, Suzanne, la mère, et enfin, "Elle", la fille... Déroulement de souvenirs éclairé, coloré d'imaginaire, longue lettre à Eugénie, cette grand-mère qui, nous dit d'emblée la narratrice, est "morte avant d'être ma grand-mère"...

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Le portrait "d'Eugénie",
(c) Nicole Versailles

Tout de suite, la photographie, le portrait en mots d'Eugénie, à l'aube de sa vie de femme,  nous accueillent, nous envoûtent. Un dialogue s'installe entre la "petite-fille" et sa grand-mère, et l'on éprouve très vite le sentiment qu'elles s'interrogent et se répondent mutuellement.

On y retrouve la plume de Nicole Versailles, ses interrogations, ses élans d'affection, ses réflexions intimes, ses possibles, ses peut-être, sa passion, ses affirmations hautes et claires, sa quête ininterrompue, volontaire, sa soif d'aimer, ses révoltes intérieures, un soupçon de férocité parfois, dans l'écriture, mais toujours teintée d'humour ou de tendresse... Bref, toute cette sensibilité qu'on lui connaît.

Et puis tant de questions! (Et autant de réponses esquissées)... Donc, autant de débats intérieurs! Car si l'auteure se propose de répondre à ses questions intimes, en l'absence d'abondants éléments explicatifs sûrs et certains, ou d'un catalogue de souvenirs solidement étayé par les confidences familiales, il y a tout de suite les alternatives plausibles.

Ainsi, lorsque la mère de l'auteure s'est mariée, comment a-t-elle été accueillie dans sa nouvelle famille? Nicole suggère, explique, développe. Oui, c'est peut-être ça qui s'est passé. Mais... L'honnêteté intellectuelle la pousse tout aussitôt à nous mettre en garde: attention ! Cela ne s'est peut-être pas exactement déroulé ainsi! En fin de compte, la réalité, ce fut peut-être tout autre chose... 

Ce que nous savons de nos ancêtres est tellement variable! Variable selon ce que nos ascendants nous ont raconté... Variable en fonction de nos sensibilités. Ici, on entrera d'emblée dans les mondes intérieurs des personnes, au coeur de l'humain donc, univers de prédilection de la narratrice.

Et dans le monde intérieur, il n'y a pas la vérité, il n'y a pas une vérité, mais peut-être, des vérités... Ce qui fait dire à notre auteure:

"J'ignore où se cache ma vérité, sans doute dans un tiroir oublié, ou peut-être plusieurs, oui c'est ça, beaucoup de tiroirs oubliés, d'armoires poussiéreuses, de greniers inquiétants, de caves fermées à double tour. Serrures têtues. Clés rouillées, corrodées, rongées, qui tournent rauque, qui tournent fou..."

***

"Trève de paroles inutiles..." clôt l'introduction à la dernière partie, "Il était deux fois", le "récit de vie" de Nicole Versailles. "Récit de vie" où nous entrons dans les souvenirs personnels. "Récit de vie" où pour suivre l'auteure avec le plus de fidélité possible, nous renoncerons à faire la part du souvenir et de l'intime, du réel et du rêve, du poétique et du littéraire. Comme dans toute vie, parfois plus, parfois moins, il y a les séparations, les déchirures, les apprentissages - je dirais même, les initiations - les petits bonheurs et les grandes angoisses. Et revient toujours, comme un leit-motiv, l'importance vitale des mots, ("Soixante crocodiles"), des noms... De la vie, ("Nom, prénom s'il vous plaît?") Ou de leur  antithèse, le silence, ("Le grand taire"), ("Un cahier à la poubelle"), voire de la mort, ("Seize ans, c'est un bel âge pour mourir").

Mais abstenons-nous de déflorer davantage les jardins intérieurs de Nicole Versailles...

Car le plus grand signe d'amitié que nous puissions témoigner à un écrivain est, en lisant son livre, de partir en voyage avec lui, afin de dialoguer à notre tour avec cet "Enfant à l'endroit", cet "Enfant à l'envers"...

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VERSAILLES (Nicole),
"L'enfant à l'endroit, l'enfant à l'envers"
Préface d'Armel Job
Editions Traces de vie, 2008

***

A lire également :

Critique du livre hez Lorraine et Impressions de lecture chez Alain x.

Bibliographie succincte:

"Tout d'un blog", essai, 2008

"Cuisine intérieure" et "Lettres rouges sur fond noir", nouvelles,
(carnet "Eclats de paroles")

"Petites paroles inutiles", carnet intime,
(http://coumarine.canalblog.com)

Articles et poèmes parus dans diverses revues littéraires et sur la Toile.

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Commentaires
P
@ Voilà Lorraine, je t'ai répondu chez toi, et j'ai rajouté un lien dans mon article vers vos critiques... Comme cela, on fait un tour vraiment presque complet du livre. Auquel on souhaite un heureux voyage...
L
Très bonne critique, Pivoine, je viens de lire celle d'Alainx, maintenant la tienne, nous avons tous les trois saisi Coumarine par un pan de son âme! Pas nécesairement le même, mais l'âme n'est pas un tout, et celle de Coumarine s'exprime en coups d'ailes qui m'ont ravie. Comme Alainx et toi le dites, c'est intéressant de voir comment chacun de nous a réagi à la lecture de cet excellent livre. Différemment, oui, mais unanimement avec émotion et bonheur.<br /> <br /> Amitié, Pivoine, bonne journée.
P
@ Coumarine: je précise que ce que je disais dans ma réponse à Tisseuse, qui parle de psychogénéalogie, n'a plus rien à voir avec ton livre, je cite d'autres exemples parce que ce qu'elle dit m'a fait penser à d'autres choses.<br /> <br /> Justement, c'est une des choses que j'ai appréciées dans ton livre, c'est que tu donnes deux versions d'un événement. (Et je le dis avec un exemple). <br /> <br /> Je ne suis pas surprise qu'il touche les gens, (mais je suis une lectrice, pas l'auteure, naturellement! o;) et que tu sois heureuse, eh bien, j'en suis ravie vraiment !!!<br /> <br /> J'espère que cela te conforte dans l'envie, le but, le projet, le désir d'en écrire d'autres !
C
Un mot au sujet de la "vérité"<br /> Alain en parle très bien dans la critique de mon livre qu'il fait sur son blog!<br /> J'ai écrit MA vérité reconstituée, celle qui, au moment de l'écriture a reconstruit des pans entiers perdus on ne sait ou...et cependant très importants<br /> <br /> Je donne parfois deux versions d'un même événement...je recommence sans cesse ;-))<br /> <br /> Ce livre représente beaucoup pour moi..et de plus en plus je réalise (avec surprise et bonheur) qu'il touche les gens
P
zut, coller tout simplement ! (j'ai fait une faute de grammaire !!!)
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